PORTUGAL BELEZA




HISTOIRES

Préhistoire et antiquité pré-romaine

Articles détaillés : Lusitanie, Ibères, Celtes et Culture des Castros.
Une gravure rupestre de la vallée de Côa

Les plus anciennes traces de civilisation retrouvées au Portugal datent du Paléolithique : peintures et gravures rupestres des grottes d'Escoural (Alentejo), de Mazouco (Tras-os-Montes) et surtout de Vale de Côa, datées entre 22000 et 10000 av. J.-C. La majorité de ces traces se trouvent au nord du Tage et témoignent de l'existence de peuples de chasseurs-cueilleurs.

Vers 10000 av. J.-C., les Ibères peuplent l'intérieur des terres de la péninsule, qui prend dans l'Histoire le nom de Péninsule ibérique.

Le cromlech des Almendres.

Entre 4000 et 2000 av. J.-C., le Portugal et la Galice voient se développer une culture mégalithique originale par rapport au reste de la péninsule, caractérisée par son architecture funéraire et rituelle particulière, et par la pratique de l'inhumation collective. On peut encore trouver dans le pays de nombreuses traces monumentales, la plupart dans l'Alentejo : le cromlech d'Almendres près d'Évora, ceux de Vale Maria do Meio ou de Portela de Mogos, ainsi que le dolmen de Zambujeiro14.

L'âge de bronze voit l'établissement de contacts maritimes entre le littoral atlantique et celui de la Bretagne, et des îles Britanniques, alors que le sud de la péninsule entretient des liens commerciaux avec la Méditerranée : des Grecs et des Phéniciens venus de l'actuel Liban ainsi que leurs descendants carthaginois y installent de petits comptoirs commerciaux semi-permanents15. Le moteur de ce commerce est la richesse de la péninsule en métaux (or, argent, fer et étain), ainsi que le salage du poisson de l'Atlantique, réputé dans le bassin méditerranéen. Les Phéniciens auraient ainsi fondé Lisbonne autour de l'an 1000 av. J.-C.16, la légende veut même que ce soit Ulysse qui ait donné son nom à la ville. Mais seul le site d'Abul, près d'Alcácer do Sal, demeure incontestablement d'origine phénicienne. On peut voir à Almodovar (Alentejo) un musée des écritures locales primitives du VIIe au IVe siècles av. J.C. où les influences phénicienne et helléniques sont bien visibles.

Durant l'âge du fer, un peuple indo-européen s'établit dans la région : les Celtes. Ils occupent bientôt le centre et l'ouest de la péninsule, vivant regroupés en petits noyaux de population isolés, établis sur les hauteurs avec des habitations circulaires (castros), et pratiquant l'agriculture et l'élevage. Chaque maison (150 environ) est défendue par une enceinte (comme on peut en voir dans la Citânia de Briteiros). On trouve aussi dans ces regroupements un édifice funéraire. Comme ils maîtrisent le fer, le travail de la terre devient plus efficace, les cueillettes augmentent, améliorant par la même les conditions de vie et la démographie.

Les Lusitaniens occupent une partie du territoire actuel du Portugal et les provinces espagnoles du León et l'Estremadure. Les Lusitaniens parlent leur propre langue, ils s'étendent vers l'Estremadure17.

Les Carthaginois arrivent dans la péninsule ibérique au IIIe siècle av. J.C., attirés par ses ressources minières, halieutiques et par la réputation des guerriers ibères, un atout précieux face à Rome. Ils en occupent la moitié sud, et, alliés aux Lusitaniens, forment la principale résistance à l'invasion romaine dans la péninsule.

Formation du Royaume de Portugal

Afonso Henriques, premier roi de Portugal.
Articles détaillés : Afonso Henriques, Royaume de León, Royaume des Asturies et Royaume de Portugal.

La présence romaine est ancienne et déterminante dans la culture, les usages et la langue portugaise fortement latinisés. Le peuplement romain proprement dit commence au Ier siècle av. J.C. après la conclusion de la paix entre les Lusitaniens et Jules César (en 48) Les Romains créent un réseau urbain et de transport qui structure le pays jusqu'à nos jours. Il est spécialement destiné à l'exportation maritime vers la Méditerranée des principales productions du pays : métaux, huile d'olive, vin, conserves de poisson.

L'occupation par les Suèves précédant l'époque wisigothique est partielle et discrète (lire Royaume suève).

Au VIIIe siècle les Omeyyades mettent en place une occupation musulmane qui ne se révèle structurante que dans le sud du pays, directement sous influence andalouse et rechristianisé tardivement (1249). Silves connaît un rayonnement culturel jusqu'au XIe siècle, Mertola joue un rôle économique par les échanges maritimes. La population arabo-andalouse reste limitée en nombre. Son apport essentiel touche à l'irrigation (connaissance des calculs de pente et de débit d'eau) et de l'agriculture : les spécificialités portugaises sont les fruits (notamment les pommes, les poires et les figues en Algarve), la vigne car la consommation du vin s'est perpétuée chez les Andalous, les céréales dont le riz en Alentejo, les légumes comme l'artichaut. De cette époque subsiste encore la tradition décorative des azulejos. Environ 800 mots d'origine arabe entrent dans le lexique portugais entre le IXe et XIIIe siècles[précision nécessaire].

Carte politique du Nord-Ouest de la péninsule Ibérique à la fin du XIIe siècle.

Sous le règne d'Alphonse Ier, les rois chrétiens des Asturies s'emparent des territoires jusqu'au Douro.

Le royaume de León compte au début cinq divisions : les Asturies, le León, la Galice, le Portugal et la Castille. Chacune est dirigée par un comte. Au fur et à mesure des conquêtes, les terres sont divisées en comtés ou en duchés. En 868, Porto et Braga sont reprises. À partir du IXe siècle, le sud de la Galice forme un comté dynamique autour de sa métropole religieuse, Braga, et de son port, Porto. Il porte le nom de Portucale ou Terra portucalensis (pays de Portucale), rappelant le nom latin de Porto (Portucale).

Le premier drapeau du Portugal.

En 1095, Urbain II lance la première croisade pour libérer les lieux saints et surtout réagir à la menace que représentent les Turcs récemment convertis à l'islam. Déjà, les réformes grégoriennes appellent à s'unir pour lutter contre toutes les croyances païennes et hérétiques. C'est dans ce cadre qu'en 1095, Alphonse VI de Castille et de León, annexant la Galice et le comté de Portugal, réunifie le royaume. Alphonse VI, marié à Constance de Bourgogne, fait appel à sa belle-famille bourguignonne pour l'aider à reconquérir la péninsule. Raymond et Henri de Bourgogne, de la famille royale de France, font partie d'une noblesse en quête de terre et de prestige et répondent favorablement à l'appel18.

En remerciement et pour consolider ses liens avec les autres monarchies, il donne à Raymond sa fille Urraque et en fait donc le futur roi de León et de Galice. À Henri, il donne la main de sa fille bâtarde, Thérèse de León et le comté de Portugal en 1093. Dès lors, celui-ci installe sa cour près de Braga, à Guimarães (considéré depuis comme « berceau » du Portugal). Il continue à prêter serment à Alphonse VI tout en bénéficiant d'une certaine autonomie, et poursuit la reconquête jusqu'au fleuve Mondego.

En 1139, Afonso Henriques, fils de Henri de Bourgogne19, remporte sur les musulmans une bataille historique à Ourique et est proclamé roi par ses troupes sur le champ de bataille20. La légende veut que le Christ lui soit apparu pendant la bataille. Cette situation est officialisée par le traité de Zamora (1143) par lequel Alphonse VII reconnaît le royaume de Portugal et son roi Alphonse Ier. Grâce à son habileté politique et militaire, ce dernier a réussi là où d'autres comtés échouent, et gagne ainsi son indépendance21.

Les découvertes

Articles détaillés : Empire colonial portugais et Vasco de Gama.

Avec la fin de la guerre, le Portugal lance l'exploration et l'expansion des découvertes grâce à Henri le Navigateur et au roi Jean II. Ceuta est conquise par le Portugal en 141522. En 1474, João Vaz Corte-Real et Alvaro Martins Homem auraient découvert le Groenland et Terre-Neuve23.

Devenu roi, Jean II (1481-1495) centralise le pouvoir et continue de planifier les grandes expéditions. Jean II est le monarque de la Renaissance par excellence : il met fin à certains privilèges, oblige la noblesse à lui prêter serment, se débarrasse des traîtres. Ainsi, le duc Ferdinand II de Bragance, qui conspire avec les Rois catholiques, est arrêté et exécuté en 1483 ; en 1484, c'est le duc de Beja et de Viseu Diogo qu'il assassine lui-même pour les mêmes raisons. Le pouvoir et le domaine royal s'en trouvent agrandis, au prix de la haine de la grande noblesse. Ce ressentiment est d'autant plus vif que le roi privilégie désormais la poursuite des découvertes de nouvelles terres et surtout de la route des Indes. L'Afrique n'est plus l'enjeu ; il s'agit de la contourner.

Diogo Cão

La mission en est confiée à Diogo Cão, qui, en 1481, emporte le premier padrão (borne de pierre revêtue des symboles du Portugal plantée dans les terres découvertes). Il remonte le fleuve Zaïre, débarque au Congo, au Gabon, en Angola et en Afrique du Sud enfin en 1486.

Ces coûteuses expéditions ne sont plus royales mais confiées à des commerçants privés, en échange ces derniers doivent découvrir 500 km de côtes par an. Ces commerçants se financent par l'exploitation des terres conquises et par l'établissement de São Jorge da Mina, dans le golfe de Guinée, qui voit converger l'or de la région ; construit en 1482, il vise aussi à interdire aux navires étrangers l'accès aux eaux portugaises. Le traité de Tolède (6 mars 1480) instaure un partage de l'Atlantique avec la Castille, lui abandonnant les découvertes à l'ouest des Canaries et assurant au Portugal le monopole en Afrique. Madère devient un point d'escale. Le vin, la canne à sucre et l'élevage s'y développent grâce à l'arrivée de migrants et d'esclaves. Le blé des Açores sert à ravitailler le pays. Le Cap-Vert, les îles de São Tomé et de Principe fournissent du sucre et du bétail. Jean II passe une alliance avec le roi du Congo pour enseigner la religion catholique24. Le commerce avec les Africains rapporte aussi de livoire et des fruits tropicaux.

C'est ensuite Bartolomeu Dias qui est envoyé en 1487. Il double le cap de Bonne-Espérance (qu'il avait nommé cap des Tempêtes25 avant que le roi ne le baptise de ce nom prophétique) le 6 janvier 1488, par hasard, emporté par une tempête. Il atteint l'actuelle Namibie mais une mutinerie l'empêche d'aller plus loin.

Dans le but de préparer le voyage vers les Indes, Jean II envoie en 1488 des émissaires par voie de terre. C'est un moyen de recueillir des informations sur les courants dans locéan Indien, peut-être même de trouver une trace du Royaume du prêtre Jean. C'est d'abord Pedro de Montanoio et Pedro de Lisboa qui partent. Ils sont suivis de Pêro da Covilhã et d'Afonso de Paiva qui apportent de précieux renseignements pour le voyage de Vasco de Gama.

Les voyages des explorateurs portugais.

Ils partent vers Jérusalem, accèdent au golfe Arabique, à Aden à l'embouchure de la mer Rouge. Ils se séparent ensuite. Paiva part vers l'Abyssinie à la recherche du prêtre Jean. Covilhã part vers les Indes. Il passe par Calicut, puis Sofala, Madagascar, revient au Caire où il apprend la mort de son compagnon. Il envoie ses informations au roi et part pour Ormuz. Il parvient à la cour du négus chrétien, s'y marie et y finit ses jours. Grâce à lui, on fait construire des navires spéciaux : la caravelle va être remplacée par la caraque permettant d'emporter plus d'équipage, d'armes et de ravitaillement.

Pendant ce temps là, les Rois catholiques prennent Grenade et mettent fin à la reconquête (1492). Cette victoire leur laisse les mains libres pour entreprendre des expéditions. Christophe Colomb embarque en leur nom pour atteindre les Indes par l'ouest. Jean II, à qui il s'adresse auparavant, refuse de financer ce voyage, privilégiant la route découverte par Vasco de Gama et estimant, à juste titre, que Colomb se trompe.

En 1493, Christophe Colomb revient d'Amérique et c'est à Lisbonne qu'il débarque en premier. Il annonce au roi que les terres découvertes lui appartiennent en vertu du traité d'Alcaçovas. Jean II les revendique donc auprès du pape Alexandre VI. Une bulle papale établit alors une division des terres qui passe à 100 lieues à l'ouest du Cap-Vert. Jean II exige un autre accord : le 7 juin 1494, Espagnols et Portugais signent le traité de Tordesillas qui fixe la limite à 370 lieues. Ce nouvel accord permet au Brésil qui n'a pas encore été découvert d'être portugais tout en abandonnant à l'Espagne les nouvelles terres d'Amérique.

Vasco de Gama.

C'est le nouveau roi Manuel Ier (1495-1520) qui tire profit de la politique intelligente de Jean II. Celui-ci, très impopulaire auprès de la noblesse, meurt probablement empoisonné en 1495. Vasco de Gama arrive aux Indes le 20 mai 1498, ouvrant la voie au commerce très fructueux des épices contrôlé jusque là par les Vénitiens. Son voyage a été minutieusement préparé. Mais à son arrivée à Calicut, il est mal accueilli par le Zamorin. En 1499, une deuxième expédition, commandée par Pedro Alvares Cabral est envoyée avec l'objectif de s'imposer, par la force si nécessaire.

Le 22 avril 1500, Cabral aborde au Brésil et en prend possession. Il envoie un messager à Lisbonne et poursuit sa route.

Arrivé à Calicut, il reçoit meilleur accueil mais très vite les Portugais doivent affronter la concurrence des Vénitiens, des Turcs et des Égyptiens. C'est la fin des voyages pacifiques. Les Portugais tirent parti des divisions entre les hindous et les musulmans de la région. Une feitoria est créée à Cochim puis à Cananor, Sofala, Quiloa et Malacca (1511). Elles sont protégées par des forteresses et une armada. On finit par installer une administration et créer un poste de vice-roi des Indes pour maintenir l'ordre dans locéan Indien : Francisco de Almeida en est le premier, suivi d'Afonso de Albuquerque qui installe de solides forts aux points stratégiques (Malacca, Siam, Goa qui devient la capitale de cet empire, Moluques, Timor, archipel de Socotra, Ormuz) et consolide cet empire naissant. Tout l'océan Indien est bientôt sous contrôle.

Amerigo Vespucci fait partie du premier voyage officiel au Brésil (1501). La découverte du Brésil permet aux commerçants portugais de sapproprier le pau-brasil, un bois de teinture et de construction très recherché. Mais le pays semble peu intéressant au départ jusqu'à ce que la concurrence espagnole et française se fasse sentir. On y envoie des colons, on crée des factoreries. Les Indiens du Brésil puis de nombreux Africains sont mis en esclavage pour la culture du sucre. En 1600, le Brésil est le premier producteur mondial de sucre et le principal fournisseur de ressources du Portugal. Au XVIIe siècle, les Bandeirantes découvrent également au sud de la colonie des mines dor et de diamants qui sont exploitées grâce à une même main-dSuvre servile. Les découvertes se poursuivent par ailleurs : en 1495, Pêro de Barcelos et João Fernandes Lavrador explorent les côtes du Canada et du Groenland (donnant son nom au Labrador). En 1500, Gaspar Corte Real arrive à Terre-Neuve. En 1513, Jorge Álvares arrive en Chine et Tomé Pires à Pékin.

Carte anachronique de l'Empire portugais (14151999).

C'est la naissance d'un véritable empire reposant sur les comptoirs. La Casa da India à Lisbonne contrôle et vérifie les marchandises importées d'Orient. Les richesses venues des colonies (épices, or, pierres...) affluent pendant les siècles suivants. Jamais le pouvoir royal n'a été aussi grand. Manuel Ier réforme d'ailleurs l'administration avec un nouveau code législatif afin de renforcer encore ce pouvoir (les ordonnances Manuelines de 1521). Mais il sait aussi ménager la noblesse (contrairement à son prédécesseur) qui, grâce aux nouvelles colonies, finit par y trouver son compte. En 1555, le pays est considéré comme le plus riche d'Europe.

C'est un période de croissance démographique. Le Portugal compte environ 1,5 million d'habitants ; tout un peuple vit alors impliqué dans le colonialisme. Beaucoup partent vers les colonies. L'esclavage fait que le travail devient une valeur dévaluée.

Il s'agit également d'une période de développement culturel avec le début des grandes constructions influencées par la Renaissance, avec l'installation définitive de l'université à Coimbra. Le style manuélin, gothique propre au pays, se propage sous l'influence de grands architectes (Mateus Fernandes, les frères Diogo et Francisco de Arruda et les Français Diogo Boitaca ou Nicolau de Chanterene).

La littérature connaît aussi une époque faste avec les Suvres de João de Barros, Damião de Góis ou Gil Vicente.

Union Ibérique

Carte de l'Union ibérique (15801640)
  •      Empire portugais
  •      Empire espagnol

Le 4 août 1578, la bataille d'Alcácer-Quibir tourne au carnage avec des milliers de morts et de nombreux prisonniers. Une centaine de rescapés rentrent à Lisbonne. Le roi est mort mais son corps n'est pas retrouvé. C'est un désastre militaire, économique et politique : la défaite marque la fin de la dynastie d'Aviz et d'une époque glorieuse, chantée dans Les Lusiades par le poète Luís de Camões, disparu également à cette époque. Quatre siècles d'une indépendance chèrement acquise sont remis en cause26.

Outre la crise politique et économique, c'est une crise morale que connaît le pays : une Couronne endettée, des milliers de morts et des prisonniers dont il faut payer la rançon. C'est dans cette atmosphère que vont surgir et prospérer de nombreuses prophéties évoquant le retour du jeune roi : le sébastianisme. Pas moins de quatre imposteurs cherchent à se faire passer pour le roi au cours de cette période, le dernier, un Italien, fut pendu en 161927.

Le vieux cardinal Henri, dernier fils de Manuel Ier, monte sur le trône le 28 août 1578. Il est chargé de se trouver un successeur. De nombreux prétendants existent dont Philippe II d'Espagne, qui apparaît comme le seul capable d'assurer la conservation de l'Empire portugais. Cette solution a les faveurs de la noblesse et du clergé. Le peuple, lui, favorise un Portugais (dom Antoine, prieur de Crato) mais les Cortes n'arrivent pas à trancher. La grande bourgeoisie penche du côté espagnol pour des raisons économiques. Elle entend profiter des marchés offerts par l'Espagne et ses colonies28.

Henri Ier meurt sans les départager. Philippe II s'impose avec une démonstration de force face au prieur de Crato lors de la bataille d'Alcántara (25 août 1580). Celle-ci marque la fin de la dynastie d'Aviz et le début de celle des Habsbourg. À l'occasion de la tenue des Cortes à Tomar (1581), le roi Philippe II joue l'apaisement avec son pardon aux soutiens du prieur de Crato et le respect de l'ensemble des lois et coutumes portugaises ; l'exploitation des colonies et l'administration du pays restent du domaine exclusif des Portugais. Le Portugal fait désormais partie de la Couronne d'Espagne mais garde une autonomie certaine.

Il retrouve une certaine stabilité économique mais perd des positions au profit de la Hollande et de la France. Le conflit entre l'Espagne et l'Angleterre (1588), qui aboutit à l'épisode de l'Invincible Armada, vient à bout de ce qui reste de la flotte portugaise28. Les premiers accrocs surgissent à la fin du règne de Philippe II et se poursuivent avec son successeur, Philippe III, qui se désintéresse du Portugal et de l'administration en général. Il délègue ses pouvoirs au vice-roi qui cherche à centraliser le pouvoir et à remettre en cause l'autonomie du Portugal. Le nouveau roi se rend impopulaire en augmentant les impôts, en affichant une certaine tolérance envers les nouveaux chrétiens et en signant une trêve avec la Hollande qui en profite pour conforter sa place dans les colonies portugaises.

Un nouveau code législatif est introduit : les Ordonnances philippines (1603). Philippe IV bafoue les accords sur l'autonomie du pays et alourdit encore la pression fiscale. Des troubles éclatent. Face à la concurrence des Anglais et des Hollandais, les places portugaises tombent une à une : Ormuz en 1622, Bahia en 1624, Arguin en 1633, São Jorge da Mina en 163728. Dès lors, le Portugal se tourne essentiellement vers le Brésil déjà menacé par les Néerlandais et les Français. L'Espagne devient la cause de tous les maux du pays. Des révoltes éclatent. L'unité nationale en sort renforcée. Les opposants soutiennent le duc Jean de Bragance, ils semparent du palais royal de Lisbonne le 1er décembre 1640. Le 15 du même mois, Jean devient roi de Portugal sous le nom de Jean IV28.

Restauration, absolutisme et libéralisme

Articles détaillés : Tremblement de terre de Lisbonne de 1755 et Royaume-Uni du Portugal, du Brésil et de l'Algarve.
Acclamation de Jean IV le Restaurateur.

La restauration de l'indépendance du Portugal est suivie d'une guerre contre l'Espagne qui dure jusqu'en 1668. Avec le traité de Lisbonne, l'Espagne reconnaît définitivement l'indépendance de son voisin29.

Cette gravure de 1755 montre les ruines de Lisbonne en flammes et un raz-de-marée submergeant les navires du port.

Dans la fin du XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle, ces deux siècles ont permis la floraison de l'exploration minière du Brésil, où il fut découvert de l'or et pierres précieuses. Ces richesses servaient aussi pour payer des produits importés, majoritairement d'Angleterre (il n'existait presque pas industrie textile dans le royaume portugais et tous les tissus étaient importés d'Angleterre). Le commerce externe se basait sur l'industrie du vin et le développement économique du royaume fut impulsé, déjà dans le règne de José I, par les efforts du Marquis de Pombal (ministre entre 1750 et 1777), pour inverser la situation avec de grandes réformes mercantilistes. Ce règne fut marqué par un violent séisme qui a dévasté le Portugal (Lisbonne, Madère et l'Algarve), le Maroc, le Royaume-Uni30 et d'autres pays le 1er novembre 175531.

Pour ne pas briser l'alliance avec l'Angleterre, le Portugal a refusé d'adhérer au Blocus continental, en conséquence il fut envahi par les armées napoléoniennes en 180732. La cour et la famille royale portugaise se sont réfugiées au Brésil. Lisbonne n'est plus la capitale du Royaume-Uni portugais, la capitale fut transférée à Rio de Janeiro33, où il reste jusqu'en 1821, quand Jean VI est retourné à Lisbonne pour la première Constitution. Dans l'année suivante, le 7 septembre 1822, son fils Pedro IV s'était proclamé empereur du Brésil34.

Pendant le XIXe siècle, le Portugal a vécu des périodes d'énormes perturbations politiques et sociales (une guerre civile et des révoltes ainsi que des soulèvements militaires, comme la Révolution de Septembre, la Révolution du Minho, celle de Patuleia&).

Dans la fin du XIXe siècle, les ambitions coloniales portugaises choquent avec celles des Anglais, ce qui est à l'origine de l'Ultimatum britannique de 1890. La cession aux exigences britanniques et la croissance des problèmes économiques lancent la monarchie dans un discrédit croissant, et Charles Ier et le prince héritier Louis Philippe de Bragance sont assassinés le 1er février 1908. La monarchie se maintient pendant deux ans, sous le règne de Manuel II, mais une révolution l'abolit le 5 octobre 1910, le Portugal devenant ensuite une République35.

République, Estado Novo et retour à la démocratie

Le Portugal et ses régions d'Outre-Mer en Afrique. Pendant la guerre coloniale (19611974)
  •      Portugal actuel
  •      Colonies portugaises
Articles détaillés : Estado Novo (Portugal) et Révolution des Rillets.
Allégorie de la proclamation de la República Portuguêsa en 1910.

Le 5 octobre 1910, peu après la proclamation de la République, le jeune roi Manuel II s'exile en Angleterre. Après plusieurs années d'instabilité politique marquées par des luttes de travailleurs, des tumultes, des homicides politiques et des crises financières, l'armée prend le pouvoir en 1926.

Le régime militaire nomme António de Oliveira Salazar, un enseignant de l'université de Coimbra36, ministre des Finances, avec pleins pouvoirs budgétaires afin de redresser l'économie du pays, ce qu'il fait de façon spectaculaire en un an. Il est nommé en 1932 président du Conseil par le président de la République, le général Óscar Carmona.

Salazar consolide le pouvoir autoritaire et introduit en 1933 une nouvelle constitution qui lui donne les pleins pouvoirs. L'Estado Novo (« État Nouveau »), régime à parti unique, nationaliste, proche de l'idéologie du parti faciste italien (du moins jusqu'en 1945), restera en place pendant plus de quarante ans37.

Le refus du régime dictatorial portugais de décoloniser les provinces d'outre-mer entraîne une série de conflits coloniaux. La première colonie à se révolter est l'Angola en 1961, suivie par la Guinée-Bissau en 1963 et enfin par le Mozambique en 1964. Entre 1974 et 1975, le Portugal doit donner l'indépendance à toutes ses colonies, seules deux régions n'ont pas pris l'indépendance, Madère et les Açores. Le 10 septembre 1974, les deux premières colonies qui ont pris leur indépendance vis-à-vis du Portugal sont le Cap-Vert et Guinée-Bissau38. Le Timor oriental fut aussi une colonie portugaise jusqu'au 28 novembre 1975, où il acquiert son indépendance. Mais neuf jours plus tard, l'Indonésie l'annexe militairement39.

Manifestation du 25 avril 1983 à Porto.

Avec un coup d'État militaire, le 25 avril 1974, le gouvernement instauré par Salazar et dirigé par Marcelo Caetano depuis 1968 est renversé. La foule manifeste dans la capitale portugaise pour soutenir les militaires dirigés par le général António de Spínola. Les jours suivants, les prisonniers politiques sont libérés, la censure de la presse est levée et le secrétaire général du parti socialiste, Mário Soares40, rentre de son exil en France. Il est élu deux fois comme président de la République, la première fois en 1986 et la seconde en 199141.

Dans les années 1940-1960, le Portugal est parmi les membres fondateurs de l'OTAN, de l'OCDE et de l'AELE. Il quitte cette dernière en 1986 pour entrer dans la Communauté économique européenne en même temps que l'Espagne. En 1999, le Portugal adhère à la zone euro, et le 20 décembre de la même année, le gouvernement portugais rend le territoire de Macao à la Chine. Depuis son entrée dans l'Union européenne, le pays a présidé le Conseil européen trois fois et en 2007, la capitale du pays voit la signature du traité de Lisbonne43.